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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

égayant leur dernière heure de plaisirs rapides, franchissaient le grand passage.

L’ancienne société était encore, là, terriblement corruptrice ; elle l’était par la pitié ; elle l’était par le plaisir ; elle l’était par le doute. Un vertige contagieux venait ; on partageait volontiers la dernière heure des victimes, leurs pleurs ou leurs légèretés folles. C’était la meilleure école pour perdre la foi, les mœurs, pour haïr la République.

Hoche était heureusement un trop grand cœur pour s’abandonner à cette influence. On le voit par ces esquisses qu’il écrivait en prison ; il essayait par l’ironie de repousser cette mort morale. Il écrivait des choses badines, et n’en était que plus triste.

Un jour qu’il se promenait mélancoliquement dans un long corridor, sombre, on ouvre à grand bruit le guichet ; un homme d’assez haute taille s’incline pour passer la porte basse, et se relevant montre à Hoche la noble, l’impassible, la redoutée figure de Saint-Just. C’était le 9 thermidor. Nous tenons ce détail de Mme  Hoche elle-même. L’un entre, l’autre sort. Voilà la prison, et voilà la vie  !

Celui qui sortait était incapable d’insulter à ses ennemis qui venaient prendre sa place. Quelle qu’ait été l’erreur fatale des chefs de la Terreur, Hoche savait leur sincérité, leur dévouement à la France. Il n’a jamais dit un seul mot contre eux. Un officier lui rappelant qu’ils avaient été ensemble à la Conciergerie : « Oublions cela, mon ami, lui dit-il, craignons que ce souvenir ne nous rende injustes pour ceux qui servirent la patrie au péril de la vie et qui s’immolèrent pour elle. »