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LES FEMMES DU 6 OCTOBRE (89)

bonté. La jeune Louison Chabry avait été chargée de porter la parole ; mais devant le roi son émotion fut si forte, qu’elle put à peine dire « Du pain ! » et elle tomba évanouie. Le roi, fort touché, la fit secourir, et, lorsqu’au départ elle voulut lui baiser la main, il l’embrassa comme un père.

Elle sortit royaliste, et criant : Vive le roi ! Celles qui attendaient sur la place, furieuses, se mirent à dire qu’on l’avait payée ; elle eut beau retourner ses poches, montrer qu’elle était sans argent ; les femmes lui passaient au cou leurs jarretières pour l’étrangler. On l’en tira, non sans peine. Il fallut qu’elle remontât au château, qu’elle obtint du roi un ordre écrit pour faire venir des blés, pour lever tout obstacle à l’approvisionnement de Paris.

Aux demandes du président, le roi avait dit tranquillement « Revenez sur les neuf heures. » Mounier n’en était pas moins resté au château, à la porte du conseil, insistant pour une réponse, frappant d’heure en heure, jusqu’à dix heures du soir. Mais rien ne se décidait.

Le ministre de Paris, M. de Saint-Priest, avait appris la nouvelle fort tard (ce qui prouve combien le départ pour Versailles fut imprévu, spontané). Il proposa que la reine partit pour Rambouillet, que le roi restât, résistât, et, au besoin, combattît ; le seul départ de la reine eût tranquillisé le peuple et dispensé de combattre. M. Necker voulait que le roi allât à Paris, qu’il se confiât au peuple, c’est-à-dire qu’il fût franc, sincère, acceptât la Révolution. Louis XVI, sans rien résoudre, ajourna le conseil, afin de consulter la reine.