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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

De là, trop souvent, incertitude de la direction politique. De là, défiance excessive du pouvoir civil pour le pouvoir militaire : on lui ordonnait d’agir et on le tenait lié ; on le lançait à la chaîne, pour être toujours à même de le tirer en arrière. De là, enfin, une infinité de faibles et faux mouvements, de tentatives avortées.

Puis, au commencement, n’avait-on pas eu raison d’être défiant pour les généraux, lorsqu’on les avait vus se mettre au-dessus des lois, lorsque M. de La Fayette quittait son armée pour venir gourmander l’Assemblée nationale lorsque Custine et Dumouriez, laissant le rôle de généraux pour celui de diplomates, négociaient avec l’ennemi ; lorsque Dumouriez, enfin, devenu ennemi lui-même, prétendait amener à Paris son armée, avec l’armée autrichienne contre la Convention ? Dumouriez, homme de tant d’esprit et de si peu de cœur, ne pouvait, en effet, rien comprendre à cette armée admirable. Il la savait homme par homme, il la menait à merveille, et il ne la connaissait pas. Les origines naïves, héroïques et simples de cette armée étaient chose inintelligible au vieil intrigant, à l’ancien agent de Louis XV.

Mais les vrais fils de la Révolution ne méritaient pas ces soupçons cruels, que leur vue seule devait dissiper.

Je me rappelle un fait superbe de Kléber, qui montre toute la force qu’il puisait dans son noble cœur contre ces défiances.

C’était en pleine Vendée, dans l’horreur de cette guerre affreuse, parmi les trahisons. Les représentants du peuple, vrais et purs patriotes, mais peu au