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LA TOUR D’AUVERGNE

ridicules, il dit et prouva une chose très vraie, c’est que nos Bretons d’aujourd’hui, plus qu’aucune autre population, sont les Celtes et les Gaulois de l’Antiquité, que leur langue est la fille légitime et le rejeton vénérable de la grande langue celtique, qui fut celle d’une partie considérable de l’Europe.

Le tort de Lebrigant, et surtout de ses aventureux disciples, fut d’affirmer la priorité absolue des Celtes sur tous les peuples, de rattacher bon gré mal gré toutes les langues à la langue celtique, de subordonner le monde à la Gaule. Savants hasardeux, ardents citoyens, ils voulaient que leur patrie eût été la mère des langues et des nations, la reine de toute la terre. Entreprise touchante plus encore que ridicule ! Lebrigant et ses élèves, Court de Gébelin, La Tour d’Auvergne et autres, faisaient dans l’érudition une sorte de croisade scientifique au profit de la France, soumettant plus de nations à sa langue, à son antique influence, que la croisade révolutionnaire n’en a soumis à son épée.

La Tour d’Auvergne suivit cette double tradition de science et de guerre, avec un cœur admirable, une candeur héroïque. Il a aimé la Bretagne, la France ; c’est toute sa vie. Il l’aimait jusque dans ses pierres ; comme son maître Lebrigant, il étudiait à la fois les granits de la Bretagne, ses marbres, et sa langue de pierre, rude et délicate à la fois. Il s’essayait lui-même dans cette langue antique, grave, d’accent pur et fort, et, quand il revenait chez lui, il aimait à voir les paysans danser à ses chansons.

Mais les chants, mais les livres, les recherches d’antiquité, ne suffisaient pas au jeune homme. Cette