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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

(pour employer des mots de notre ancienne langue), qui ne prenaient les armes que pour former, en brisant la barrière des rois, l’amitié universelle des peuples. Il n’y avait pas de soldats alors, il y avait des citoyens en armes, qui ne faisaient la guerre que pour fonder la paix commencer la cité du monde.

C’est la beauté de ces temps (déjà antiques et loin de nous !) la cité fut l’armée, l’armée fut la cité ; il n’y eut aucune différence. L’armée n’était autre chose que la Patrie, elle-même, combattant, mourant pour les lois.

Si la France, revenue enfin à elle-même, élève à la gloire de ces temps les monuments qui leur sont dus, qu’elle se garde bien d’en fonder d’exclusivement militaires qu’elle y réunisse toujours le double caractère, militaire et civil.

Nous pouvons répondre hardiment que, si l’on eût consulté là-dessus les grands généraux de la République, ils n’eussent accepté cet honneur qu’à deux conditions l’une, qu’avec leur souvenir on honorât celui de leurs vaillants soldats qu’ils regardaient comme leurs fils ; l’autre, qu’on ne glorifiât pas l’armée seule, qu’on ne l’isolât pas du peuple dans les monuments, pas plus qu’elle n’en fut isolée dans la réalité vivante. « Nous fûmes citoyens, auraient-ils dit et tels nous voulons apparaitre. Ne nous représentez jamais qu’avec le peuple, et mêlés avec lui. Moins de monuments individuels, moins d’orgueilleuses statues qu’on croirait des idoles mais des monuments collectifs, des groupes fraternels. Nos images sont tristes, isolées sur ces places.