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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

« D’amour, elle aime un jour. De maternité, pour la vie. »

Donc, je m’adressai à la femme, à la mère, pour la grande initiative sociale[1].


Le bon Ballanche, parmi tous ses obscurs romans mystiques, eut parfois des coups de lumière, des intuitions vraies. Un jour que, pour l’embarrasser, nous lui faisions cette question : « Qu’est-ce que la femme, à votre avis ? » il rêva quelque temps. Ses doux yeux de biche égarée furent plus sauvages encore qu’à l’ordinaire. Enfin, le vieillard, rougissant comme une jeune fille au mot d’amour : « C’est une initiation. »

Mot charmant ; mot profond, profondément, délicatement vrai, en cent nuances et cent manières.

La femme est l’initiation active, la puissance

  1. « Ainsi, diront, les sages, délaissant le ferme terrain de l’idée, vous vous plaçâtes dans les voies mobile du sentiment. »

    À quoi je répondrais : Peu, très peu d’idées sont nouvelles. Presque toutes celles qui éclatent en ce siècle, et veulent l’entraîner, ont paru bien des fois, et toujours inutilement. L’événement d’une idée n’est pas tant la première apparition de sa formule que sa définitive incubation, quand, reçue dans la puissante chaleur de l’amour, elle éclôt fécondée par la force du cœur.

    Alors, alors, elle n’est plus un mot, elle est chose vivante ; comme telle, elle est aimée, embrassée, comme un cher nouveau-né, que l’humanité reçoit dans ses bras.

    D’idées et de systèmes, nous abondons, surabondons. Lequel nous sauvera ? Plus d’un le peut. Cela tient à l’heure de la crise et à nos circonstances, très diverses selon la diversité des temps et des nations.

    Le grand, le difficile ; c’est que l’idée utile, au moment décisif, rencontre prépare un foyer de bonne volonté morale, de chaleur héroïque, de dévouement, de sacrifice… Où en retrouverai-je l’étincelle primitive, dans le refroidissement universel ? Voilà ce que je me disais.

    Je m’adressai à l’étincelle indestructible, au foyer qui brûlera encore sur les ruines du monde, à l’immortelle chaleur de l’âme maternelle.