Page:Michelet - OC, Les Femmes de la Révolution, Les Soldats de la Révolution.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
CHAQUE PARTI PÉRIT PAR LES FEMMES

qui les avaient sauvées ; ces mariages tournèrent mal l’implacable amertume revenait bientôt.

Un jeune employé du Mans, nommé Goubin, trouve, le soir de la bataille, une pauvre demoiselle, se cachant sous une porte et ne sachant où aller. Lui-même, étranger à la ville, ne connaissant nulle maison sûre, il la retira chez lui. Cette infortunée, grelottante de froid ou de peur, il la mit dans son propre lit. Petit commis à six cents francs, il avait un cabinet, une chaise, un lit, rien de plus. Huit nuits de suite, il dormit sur sa chaise. Fatigué alors, devenant malade, il lui demanda, obtint de coucher près d’elle, habillé. Inutile de dire qu’il fut ce qui devait être. Une heureuse occasion permit à la demoiselle de retourner chez ses parents. Il se trouva qu’elle était riche, de grande famille, et (c’est le plus étonnant) qu’elle avait de la mémoire. Elle fit dire à Goubin qu’elle voulait l’épouser : « Non, mademoiselle ; je suis républicain ; les bleus doivent rester bleus ! »