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ROBESPIERRE CHEZ Mme DUPLAY

Robespierre, des dévots, des pèlerins, quand, dans ce quartier impie où tout leur blessait les yeux, ils venaient contempler le Juste ? La maison prêchait, parlait. Dès le seuil, l’aspect pauvre et triste de la cour, le hangar, le rabot, les planches, leur disaient le mot du peuple : « C’est ici l’incorruptible. » – S’ils montaient, la mansarde les faisait se récrier plus encore propre et pauvre, laborieuse visiblement, sans parure que les papiers du grand homme sur des planches de sapin, elle disait sa moralité parfaite, ses travaux infatigables, une vie donnée toute au peuple. Il n’y avait pas là le théâtral, le fantasmagorique du maniaque Marat, se démenant dans sa cave, variable de parole et de mise. Ici, nul caprice, tout réglé, tout honnête, tout sérieux. L’attendrissement venait, on croyait avoir vu, pour la première fois, en ce monde, la maison de la vertu.

Notez pourtant avec cela que la maison, bien regardée, n’était pas une habitation d’artisan. Le premier meuble qu’on apercevait dans le petit salon du bas en avertissait assez. C’était un clavecin, instrument rare alors, même chez la bourgeoisie. L’instrument faisait deviner l’éducation que Mlles Duplay recevaient, chacune à son tour, au couvent voisin, au moins pendant quelques mois. Le menuisier n’était pas précisément menuisier ; il était entrepreneur en menuiserie de bâtiment. La maison était petite, mais enfin elle lui appartenait ; il logeait chez lui.

Tout ceci avait deux aspects ; c’était le peuple d’une part, et ce n’était pas le peuple ; c’était, si l’on veut, le peuple industrieux, laborieux, passé récem-