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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

son frère. Elle ne s’en alla pas sans enlever Robespierre, qui se laissa faire d’assez bonne grâce. Elle l’établit chez elle, malgré l’étroitesse du logis, dans une mansarde très propre, où elle mit les meilleurs meubles de la maison, un assez beau lit bleu et blanc avec quelques bonnes chaises. Des rayons de sapin, tout neufs, étaient alentour, pour poser les quelques livres, peu nombreux, de l’orateur ; ses discours, rapports, mémoires, etc., très nombreux, remplissaient le reste. Sauf Rousseau et Racine, Robespierre ne lisait que Robespierre. Aux murs, la main passionnée de Mme Duplay avait suspendu partout les images et portraits qu’on avait faits de son dieu ; quelque part qu’il se tournât, il ne pouvait éviter de se voir lui-même ; à droite, à gauche, Robespierre, Robespierre encore, Robespierre toujours.

Le plus habile politique, qui eut bâti la maison spécialement pour cet usage, n’eût pas si bien réussi que l’avait fait le hasard. Si ce n’était une cave, comme le logis de Marat, la petite cour noire et sombre valait au moins une cave. La maison basse, dont les tuiles verdâtres attestaient l’humidité, avec le jardinet sans air qu’elle possédait au de la, était comme étouffée entre les maisons géantes de la rue Saint-Honoré, quartier mixte, à cette époque, de banque et d’aristocratie. Plus bas, c’étaient les hôtels princiers du faubourg et la splendide rue Royale, avec l’odieux souvenir des quinze cents étouffés du mariage de Louis XVI. Plus haut c’étaient les hôtels des Fermiers-généraux de la place Vendôme, bâtis de la misère du peuple.

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