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LA SECONDE FEMME DE DANTON

tout cela intimidait, peut-être serrait le cœur de l’enfant.

La famille crut l’arrêter court en lui présentant un obstacle qu’elle croyait insurmontable, la nécessité de se soumettre aux cérémonies catholiques. Tout le monde savait que Danton, le vrai fils de Diderot, ne voyait que superstition dans le christianisme et n’adorait que la Nature.

Mais pour cela justement, ce fils, ce serf de la Nature, obéit sans difficulté. Quelque autel, ou quelque idole qu’on lui présentât, il y courut, il y jura. Telle était la tyrannie de son aveugle désir. La nature était complice ; elle déployait tout à coup toutes ses énergies contenues ; le printemps, un peu retardé, éclatait en été brûlant ; c’était l’éruption des roses. Il n’y eut jamais un tel contraste d’une si triomphante saison et d’une situation si trouble. Dans l’abattement moral, pesait d’autant plus la puissance d’une température ardente, exigeante, passionnée. Danton, sous cette impulsion, ne livra pas de grands combats quand on lui dit que c’était d’un prêtre réfractaire qu’il fallait recevoir la bénédiction. Il aurait passé dans la flamme. Ce prêtre enfin, dans son grenier, consciencieux et fanatique, ne tint pas quitte Danton pour un billet acheté. Il fallut, dit-on, qu’il s’agenouillât, simulât la confession, profanant dans un seul acte deux religions à la fois : la nôtre et celle du passé.

Où donc était-il, cet autel consacré par nos Assemblées à la religion de la Loi, sur les ruines du vieil autel de l’arbitraire et de la Grâce ? Où était-il l’autel de la Révolution, ou le bon Camille, l’ami de Danton,