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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

aussi de la Législative et de la Convention, tant d’hommes précipités au cours de la fatalité, allaient se consoler, s’oublier dans ces maisons de ruine. Ce Palais-Royal, si vivant, tout éblouissant de lumière, de luxe et d’or, de belles femmes qui allaient à vous, vous priaient d’être heureux, de vivre, qu’était-ce, en réalité, sinon la maison de la mort ?

Elle était là, sous toutes ses formes, et les plus rapides. Au perron, les marchands d’or, aux galeries de bois, les filles. Les premiers, embusqués au coin des marchands de vins, des petits cafés, vous offraient, à bon compte, les moyens de vous ruiner. Votre portefeuille, réalisé sur-le-champ en monnaie courante, laissait bonne part au Perron, une autre aux cafés, puis aux jeux du premier étage, le reste au second. Au comble, on était à sec tout s’était évaporé.

Ce n’étaient plus ces premiers temps du Palais-Royal, où ses cafés furent les églises de la Révolution naissante, où Camille, au café de Foy, prêcha la croisade. Ce n’était plus cet âge d’innocence révolutionnaire où le bon Fauchet professait au Cirque la doctrine des Amis, et l’association philanthropique du Cercle de la Vérité. Les cafés, les restaurateurs étaient très fréquentés, maisons sombres. Telles de ces boutiques fameuses allaient devenir funèbres. Le restaurateur Février vit tuer chez lui Saint-Fargeau. Tout près, au café Corraza, fut tramée la mort de la Gironde.

La vie, la mort, le plaisir rapide, grossier, violent, le plaisir exterminateur, voilà le Palais-Royal de 93.