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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

et les intrigues, les séances des comités, les conciliabules politiques. L’élan immense du premier moment, l’espoir infini, les avaient d’abord mis à même de supporter tout cela. Mais enfin l’effort durait, le travail sans fin ni bornes ; ils étaient un peu retombés. Cette génération n’était plus entière d’esprit ni de forces ; quelque sincères que fussent ses convictions, elle n’avait pas la jeunesse, la fraîcheur d’esprit, le premier élan de la foi.

Le 22 juin, au milieu de l’hésitation universelle des politiques, Mme Roland n’hésita point. Elle écrivit, et fit écrire en province, pour qu’à l’encontre de la faible et pâle adresse des Jacobins les assemblées primaires demandassent une convocation générale : « Pour délibérer par oui et par non s’il convient de conserver au gouvernement la forme monarchique. » — Elle prouve très bien, le 24 ; que toute régence est impossible, qu’il faut suspendre Louis XVI, etc.

Tous ou presque tous reculaient, hésitaient, flottaient encore. Ils balançaient les considérations d’intérêts, d’opportunité, s’attendaient les uns les autres, se comptaient. « Nous n’étions pas douze républicains en 89, » dit Camille Desmoulins. Ils avaient bien multiplié en 91, grâce au voyage de Varennes, et le nombre était immense des républicains qui l’étaient sans le savoir ; il fallait le leur apprendre à eux-mêmes. Ceux-là seuls calculaient bien l’affaire, qui ne voulaient pas calculer. En tête de cette avant-garde marchait Mme Roland ; elle jetait le glaive d’or dans la balance indécise : son courage, et l’idée du droit.