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Mme ROLAND

Au triste spectacle de la liberté entrevue, espérée, déjà perdue, selon elle, elle voudrait retourner à Lyon, « elle verse des larmes de sang… Il nous faudra, dit-elle (le 5 mai), une nouvelle insurrection, ou nous sommes perdus pour le bonheur ou la liberté ; mais je doute qu’il y ait assez de vigueur dans le peuple. La guerre civile même, tout horrible qu’elle soit, avancerait la régénération de notre caractère et de nos mœurs… — Il faut être prêt à tout, même à mourir sans regret. »

La génération dont Mme Roland désespère si aisément avait des dons admirables, la foi au progrès, le désir sincère du bonheur des hommes, l’amour ardent du bien public ; elle a étonné le monde par la grandeur des sacrifices. Cependant, il faut le dire, à cette époque où la situation ne commandait pas encore avec une force impérieuse, ces caractères formés sous l’Ancien-Régime, ne s’annonçaient pas sous un aspect mâle et sévère. Le courage d’esprit manquait. L’initiative du génie ne fut alors chez personne ; je n’excepte pas Mirabeau, malgré son gigantesque talent.

Les hommes d’alors, il faut le dire aussi, avaient déjà immensément écrit, parlé, combattu. Que de travaux, de discussions, d’événements entassés ! Que de réformes rapides ! Quel renouvellement du monde ! La vie des hommes importants de l’Assemblée, de la presse, avait été si laborieuse, qu’elle nous semble un problème ; deux séances de l’Assemblée, sans repos que les séances des Jacobins et autres clubs, jusqu’à onze heures ou minuit ; puis les discours à préparer pour le lendemain, les articles, les affaires