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Mme ROLAND

idées un tout autre cours. La passion se transforme, elle se tourne entièrement du côté des affaires publiques. Chose bien intéressante et touchante à observer. Après la grande émotion de la fédération lyonnaise, ce spectacle attendrissant de l’union de tout un peuple, elle s’était trouvée faible et tendre au sentiment individuel. Et maintenant ce sentiment, au spectacle de Paris, redevient tout général, civique et patriotique ; Mme Roland se retrouve elle-même et n’aime plus que la France.

S’il s’agissait d’une autre femme, je dirais qu’elle fut sauvée d’elle-même par la Révolution, par la République, par le combat et la mort. Son austère union avec Roland fut confirmée par leur participation commune aux événements de l’époque. Ce mariage de travail devint un mariage de luttes communes, de sacrifices, d’efforts héroïques. Préservée ainsi, elle arriva, pure et victorieuse, à l’échafaud, à la gloire.

Elle vint à Paris en février 91, à la veille du moment si grave où devait s’agiter la question de la République ; elle y apportait deux forces : la vertu à la fois et la passion. Réservée jusque-là dans son désert pour les grands événements, elle arrivait avec une jeunesse d’esprit, une fraîcheur d’idées, de sentiments, d’impressions, à rajeunir les politiques les plus fatigués. Eux, ils étaient déjà las ; elle, elle naissait de ce jour.

Autre force mystérieuse. Cette personne très pure, admirablement gardée par le sort, arrivait pourtant le jour où la femme est bien redoutable, le jour où le devoir ne suffira plus, le jour où le cœur, long-