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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

dois interdire. » Tout le reste est un mélange bien touchant de vertu, de passion, d’inconséquence de temps à autre, un accent mélancolique, et je ne sais quelle sombre prévision du destin : « Quand est-ce que nous nous reverrons ?… Question que je me fais souvent et que je n’ose résoudre… Mais pourquoi chercher à pénétrer l’avenir que la nature a voulu nous cacher ? Laissons-le donc sous le voile imposant dont elle le couvre, puisqu’il ne nous est pas donné de le pénétrer ; nous n’avons sur lui qu’une sorte d’influence, elle est grande sans doute : c’est de préparer son bonheur par le sage emploi du présent… » — Et plus loin : « Il ne s’est point écoulé vingt-quatre heures dans la semaine que le tonnerre ne se soit fait entendre. Il vient encore de gronder. J’aime assez la teinte qu’il prête à nos campagnes, elle est auguste et sombre, mais elle serait terrible qu’elle n’inspirerait pas plus d’effroi… »

Bancal était sage et honnête. Bien triste, malgré l’hiver, il passa en Angleterre, et il y resta longtemps. Oserai-je le dire ? plus longtemps peut-être que Mme Roland ne l’eût voulu elle-même. Telle est l’inconséquence du cœur, même le plus vertueux. Ses lettres, lues attentivement, offrent une fluctuation étrange elle s’éloigne, elle se rapproche ; par moments elle se défie d’elle-même et par moments se rassure.

Qui dira qu’en février, partant pour Paris, où les affaires de la ville de Lyon amenaient Roland, elle n’ait pas, quelque joie secrète de se retrouver au grand centre où Bancal va nécessairement revenir ? Mais c’est justement Paris qui bientôt donne à ses