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retient, les arrête, garde pour elle ces richesses d’eaux suspendues, et ne les transmet au fond qu’en les tamisant par les feuilles, les bois, les sables inférieurs. Tout cela arrive en bas, sans qu’on s’en soit aperçu. Creusez. Et vous trouverez. Là est l’exquis, le vital du Génie du lieu. Le mot Génie est trop fixe. Le mot Fée est trop mobile. Qui exprimera ce mystère du profond bassin caché ? cette tromperie naïve et charmante qui ne promet que sécheresse et qui dessous fidèlement réserve le trésor de ses eaux ? Un grand artiste italien l’exprime dans les peintures de la salle d’Henri II. C’est la Nemorosa, les mains pleines de fleurs sauvages, cachée sous un âpre rocher, mais attendrie et rêveuse, et les yeux trempés de pleurs. Nous sentîmes bien des fois ceci dans la suite de ce grand travail, et surtout les jours où la pluie tombait fine et douce. Il se faisait, autour de nous, comme un recueillement de la nature. Dans ce silence profond, nous n’entendions que nos cœurs, le balancier de l’horloge, parfois un cri d’hirondelle qui passait par-dessus nous. Calmés, mais non assoupis, d’une lucidité plus grande et d’un œil plus net, nous pénétrions d’un degré de plus dans le monde ténébreux de l’atome, pour en tirer ce qui est, la lumière, surtout l’amour, vraie légitimité de ce monde muet, sa langue et sa voix éloquente pour parler au monde supérieur.