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aime. Saint Louis ne trouva qu’ici la Thébaïde qu’il rêvait. Henri IV, qui n’y voit que plaisir, dit « Mes délicieux déserts. » Le pauvre exilé mystique, Kosciusko, y sent l’attrait des forêts de Lithuanie et y prend racine. Un homme de grès, de caillou, le Breton Maud’huy, retrouve ici sa Bretagne, et fait à coups de pavés le livre le plus original qu’on ait fait sur Fontainebleau. Ce lieu est fort ; on n’y est pas impunément. Quelques-uns y perdent l’esprit ; tels y furent métamorphosés et se virent pousser les oreilles qui vinrent à Bottom dans la forêt de Windsor. Celle-ci est une personne ; elle a ses amants et ses détracteurs. On la maudit, on la bénit. Un fou rêveur lui écrivait, sur un rocher près de Nemours « Je te posséderai, marâtre ! » Et le vieux soldat Denecourt, son amoureux, qui lui donna tout ce qu’il avait au monde, l’appelle « Mon adorée ! [1] » Quelqu’un me disait « N’est-ce pas la Viola de Shakespeare, au douteux aspect, mais toujours charmant, ici demoiselle, et là cavalier ? Sa Rosalinde, jeune page, qui devient une fille rieuse ? — Non, les contrastes sont plus grands. La fée d’ici a je ne sais combien de visages. Elle a des froides plantes des Alpes, et elle peut, sous tel abri, cacher la plus frileuse flore. L’hiver, le printemps, austère, elle vous effraye d’âpres rochers qu’elle pare ou cache à l’automne d’un manteau empourpré de feuilles. Elle a à sa disposition, pour

  1. On ne peut reconnaître assez ce qu’a fait M. Denecourt ; il a rendu ce lieu admirable accessible à tous, aux plus pauvres, qui n’ont plus besoin de guides.