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jours les gens bien élevés. Je sais que la plupart arrivent refroidis par la vie, par la grande, trop grande expérience du plaisir. Mais, pour les plus usés, c’est chose d’amour-propre, de vaniteuse impatience. Cela peut mener loin. Donc, j’en crois ici le mot dur, mais net, de l’Histoire naturelle : « Le mâle est très sauvage. » Mot confirmé malheureusement par la médecine et la chirurgie, que l’on consulte trop souvent pour les suites, et qui, dans leur froideur, sont indignées pourtant de la fureur impie qui peut souiller une heure si sainte.


Autre chose, et très grave, d’importance infinie.

Sais-tu bien, dans ce moment de trouble, que tu es partagé entre deux idées très contraires ? Tu ne comprends ni toi, ni elle. Cette blanche statue, que tu couves des yeux, si touchante, si attendrissante, qui a peur de paraître avoir peur et garde aux lèvres un sourire pâlissant… Tu t’imagines la connaître, et elle te reste une énigme.

Celle-ci, c’est la femme moderne, une âme et un esprit. La femme antique était un corps. Le mariage n’étant, dans ces temps-là, qu’un moyen de génération, on choisissait, on prenait pour l’épouse une fille forte, une fille rouge (rouge et belle sont synonymes dans les langues barbares). On lui voulait beaucoup de sang, et qu’elle fut prête à en verser. On faisait grand bruit de cela. Le sacrement de mariage était un mariage de sang.

Au mariage moderne, qui est surtout le mélange des âmes, l’âme est l’essentiel. La femme que rêve