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VII


Littérature de sorcellerie. — C’est vers 1400 qu’elle commence. Ses livres sont de deux classes et de deux époques : 1o ceux des moines inquisiteurs du quinzième siècle ; 2o ceux des juges laïques du temps d’Henri IV et de Louis XIII.

La grosse compilation de Lyon qu’on a faite et dédiée à l’inquisiteur Nitard, reproduit une foule de ces traités de moines. Je les ai comparés entre eux, et parfois aux anciennes éditions. Au fond, il y a très peu de chose. Ils se répètent fastidieusement. Le premier en date (d’environ 1440) est le pire des sots, un bel esprit allemand, le dominicain Nider. Dans son Formicarius, chaque chapitre commence par poser une ressemblance entre les fourmis et les hérétiques ou sorciers, les péchés capitaux, etc. Cela touche à l’idiotisme. Il explique parfaitement qu’on devait brûler Jeanne d’Arc. — Ce livre parut si joli que la plupart le copièrent ; Sprenger surtout, le grand Sprenger, dont j’ai fait valoir les mérites. Mais qui pourrait tout dire ? Quelle fécondité d’âneries ! « Femina vient de fe et de minus. La femme a moins de foi que l’homme. » Et à deux pas de là : « Elle est en effet légère et crédule ; elle incline toujours à croire. » — Salomon eut raison de dire : « La femme belle et folle est un anneau d’or au grouin d’un porc. Sa langue est douce comme l’huile, mais par en bas ce n’est qu’absinthe. » Au reste, comment s’étonner de tout cela ? N’a-t-elle pas été faite d’une côte recourbée, c’est-à-dire « d’une côte qui est tortue, dirigée contre l’homme ? »

Le Marteau de Sprenger est l’ouvrage capital, le type, que suivent généralement les autres manuels, les Marteaux, Fouets, Fustigations, que donnent ensuite les Spina, les Jacquier, les Castro, les Grillandus, etc. Celui-ci, Florentin, inquisiteur à Arezzo (1520), a des choses curieuses, sur les philtres, quelques histoires intéressantes. On y voit parfaitement qu’il y avait, outre le Sabbat réel, un Sabbat imaginaire où beaucoup de personnes effrayées croyaient assister, surtout des femmes somnambules qui se levaient la nuit, couraient les champs. Un jeune homme traversant la campagne à la