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ÉCLAIRCISSEMENTS




I


Classification géographique de la Sorcellerie. — Mon ténébreux sujet est comme la mer. Celui qui y plonge souvent, apprend à y voir. Le besoin crée des sens. Témoin le singulier poisson dont parle Forbes (Pertica astrolabus), qui, vivant au plus bas et près du fond, s’est créé un œil admirable pour saisir, concentrer les lueurs qui descendent jusque-là. La sorcellerie, au premier regard, avait pour moi l’unité de la nuit. Peu à peu, je l’ai vue multiple et très diverse. En France, de province à province, grandes sont déjà les différences. En Lorraine, près de l’Allemagne, elle semble plus lourde et plus sombre ; elle n’aime que les bêtes noires. Au pays basque, Satan est vif, espiègle, prestidigitateur. Au centre de la France, il est bon compagnon ; les oiseaux envolés qu’il lâche, semblent l’aimable augure et le vœu de la liberté. — Sortons de la France ; entre les peuples et les races diverses, les variétés, les contrastes sont bien autrement forts.

Personne, que je sache, n’avait bien vu cela. — Pourquoi ? L’imagination, une vaine poésie puérile, brouillait, confondait tout. On s’amusait à ce sujet terrible qui n’est que larmes et sang. Moi, je l’ai pris à cœur. J’ai laissé les mirages, les fumées fantastiques, les vagues brouillards où l’on se complaisait. Le vrai sens de la vie vibre aux diversités vivantes, les rend sen-