Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/668

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

satisferait à Girard, à la Compagnie de Jésus. Les Jésuites, quelle que fût leur débonnaireté, avouaient que, dans l’intérêt de la religion, un exemple serait utile pour avertir un peu et les convulsionnaires jansénistes et les écrivailleurs philosophes qui commençaient à pulluler.

Par deux points, on pouvait accrocher la Cadière, lui jeter le harpon :

1º Elle avait calomnié. — Mais nulle loi ne punit la calomnie de mort. Pour aller jusque-là, il fallait chercher un peu loin, dire : « Le vieux texte romain De famosis libellis prononce la mort contre ceux qui ont fait des libelles injurieux aux Empereurs ou à la religion de l’Empire. Les Jésuites sont la religion. Donc un mémoire contre un Jésuite mérite le dernier supplice ».

2º On avait une prise meilleure encore. — Au début du procès, le juge épiscopal, le prudent Larmedieu, lui avait demandé si elle n’avait pas deviné les secrets de plusieurs personnes, et elle avait dit oui. Donc on pouvait lui imputer la qualité mentionnée au formulaire des procès de sorcellerie, Devineresse et abuseresse. Cela seul méritait le feu, en tout droit ecclésiastique. On pouvait même très bien la qualifier sorcière, d’après l’aveu des dames d’Ollioules ; que la nuit, à la même heure, elle était dans plusieurs cellules à la fois, qu’elle pesait doucement sur elles, etc. Leur engouement, leur tendresse subite si surprenante, avaient bien l’air d’un ensorcellement.

Qui empêchait de la brûler ? On brûle encore partout au dix-huitième siècle. L’Espagne, sous un