Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/650

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hurla, étouffa. On crut qu’elle allait mourir. L’aîné Cadière, le marchand, qui perdait la tête, appela par les fenêtres, criant aux voisins : « Au secours ! Le Diable étrangle ma sœur ! » Ils accouraient, presque en chemise. Les médecins et chirurgiens qualifiant son état une suffocation de la matrice, voulurent lui mettre des ventouses. Pendant qu’on les allait chercher, ils parvinrent à lui desserrer les dents et lui firent avaler une goutte d’eau-de-vie, ce qui la rappela à elle-même. Cependant les médecins de l’âme arrivaient aussi à la fille, un vieux prêtre, confesseur de la mère Cadière, puis des curés de Toulon. Tant de bruit, de cris, l’arrivée de ces prêtres en grand costume, l’appareil de l’exorcisme, avait rempli la rue de monde ; les arrivants demandaient : « Qu’y a-t-il ? — C’est la Cadière, ensorcelée par Girard. » On peut juger de la pitié, de l’indignation du peuple.

Les Jésuites, très effrayés, mais voulant renvoyer l’effroi, firent alors une chose barbare. Ils retournèrent chez l’évêque, ordonnèrent et exigèrent qu’on poursuivît la Cadière, qu’on l’attaquât le jour même, — que cette pauvre fille, sur le lit où elle râlait tout à l’heure, après cette horrible crise, reçût à l’improviste une descente de justice…

Sabatier ne lâcha pas l’évêque que celui-ci n’eût fait appeler son juge, son official, le vicaire général Larmedieu, et son promoteur (ou procureur épiscopal), Esprit Reybaud, et qu’il ne leur eût dit de procéder sur l’heure.

C’était impossible, illégal, en droit canonique. Il fallait un informé préalable sur les faits, avant d’aller interroger. — Autre difficulté : le juge ecclésiastique