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chacun voyait la cour pour arrière-garde, avaient pour eux les politiques, les prudents, les sages. Le carme n’avait que l’évêque, n’était pas même soutenu de ses confrères, ni des curés. Il se ménagea une arme. Le 8 novembre, il tira de la Cadière une autorisation écrite de révéler au besoin sa confession.

Acte audacieux, intrépide, qui fit frémir Girard. Il n’avait pas grand courage, et il eût été perdu, si sa cause n’eût été celle des Jésuites. Il se blottit au fond de leur maison. Mais son collègue Sabatier, vieillard sanguin, colérique, alla droit à l’évêché. Il entra chez le prélat, portant comme Popilius, dans sa robe, la paix ou la guerre. Il le mit au pied du mur, lui fit comprendre qu’un procès avec les Jésuites, c’était pour le perdre à jamais lui-même, qu’il resterait évêque de Toulon à perpétuité, ne serait jamais archevêque. Bien plus, avec la liberté d’un apôtre fort à Versailles, il lui dit que si cette affaire révélait les mœurs d’un Jésuite, elle n’éclairerait pas moins les mœurs d’un évêque. Une lettre, visiblement combinée par Girard (p. 334), ferait croire que les jésuites se tenaient prêts en dessous à lancer contre le prélat de terribles récriminations, déclarant sa vie, « non seulement indigne de l’épiscopat, mais abominable ». Le perfide et sournois Girard, le Sabatier apoplectique, gonflé de rage et de venin, auraient poussé la calomnie. Ils n’auraient pas manqué de dire que tout cela se faisait pour une fille, que si Girard l’avait soignée malade, l’évêque l’avait eue bien portante. Quel trouble qu’un tel scandale dans la vie si bien arrangée de ce grand seigneur mondain ! C’eût été une chevalerie trop