Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/636

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« qu’il était temps d’accomplir sur cette affaire les desseins de Dieu » (p. 330), — sans doute de demander qu’on fit une enquête, d’accuser les accusateurs.

Audace excessive, imprudente. La Cadière presque mourante était bien loin de ces idées. Ses amies imaginèrent que celui qui avait fait le trouble ferait le calme peut-être. Elles prièrent Girard de venir la confesser. Ce fut une scène terrible. Elle fit au confessionnal des cris, des lamentations, qu’on entendait à trente pas. Les curieuses avaient beau jeu d’écouter, et n’y manquaient pas. Girard était au supplice. Il disait, répétait en vain : « Calmez-vous, mademoiselle ! » (P. 95.) — Il avait beau l’absoudre. Elle ne s’absolvait pas. Le 12, elle eut sous le cœur une douleur si aiguë qu’elle crut que ses côtes éclataient. Le 14, elle semblait à la mort, et on appela sa mère. Elle reçut le viatique. Le lendemain, « elle fit une amende honorable, la plus touchante, la plus expressive qui se soit jamais entendue. Nous fondions en larmes » (P. 330-331). Le 20, elle eut une sorte d’agonie, qui perçait le cœur. Puis, tout à coup, par un revirement heureux et qui la sauva, elle eut une vision très douce. Elle vit la pécheresse Madeleine pardonnée, ravie dans la gloire, tenant dans le ciel la place que Lucifer avait perdue. (P. 332).

Cependant Girard ne pouvait assurer sa discrétion qu’en la corrompant davantage, étouffant ses remords. Parfois, il venait (au parloir), l’embrassait fort imprudemment. Mais le plus souvent encore, il lui envoyait ses dévotes. La Guiol et autres venaient l’accabler de caresses et d’embrassades, et quand elle se confiait, pleurait, elles souriaient, disaient que