Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/632

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

absence, la Cadière avait pris un moyen extrême qui sans doute ne pouvait manquer de faire arriver Girard à l’instant. Soit qu’elle ait rouvert de ses ongles les plaies de la tête, soit qu’elle ait pu s’enfoncer la couronne à pointes de fer, elle se mit tout en sang. Il lui coulait sur le visage en grosses gouttes. Sous cette douleur, elle était transfigurée et ses yeux étincelaient.

Cela ne dura pas moins de deux heures. Les religieuses accoururent pour la voir dans cet état, admirèrent. Elles voulaient faire entrer leurs observantes ; la Cadière les en empêcha.

L’abbesse se serait bien gardée d’avertir Girard pour la voir dans cet état pathétique, où elle était trop touchante. La bonne Mme Lescot lui donna cette consolation et fit avertir le Père. Il vint, mais au lieu de monter, en vrai jongleur, il eut lui-même une extase à la chapelle, y resta une heure prosterné à deux genoux devant le Saint-Sacrement (p. 95). Enfin, il monte, trouve toutes les religieuses autour de la Cadière. On lui conte qu’elle avait paru un moment comme si elle était à la messe, qu’elle semblait remuer les lèvres pour recevoir l’hostie. « Qui peut le savoir mieux que moi ! dit le fourbe. Un ange m’avait averti. J’ai dit la messe, et je l’ai communiée de Toulon. » Elles furent renversées du miracle, à ce point que l’une d’elles en resta deux jours malade. Girard s’adressant alors à la Cadière avec une indigne légèreté : « Ah ! ah ! petite gourmande, vous me volez donc moitié de ma part ? »

On se retire avec respect ; on les laisse. Le voici