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que, quand il viendrait, il la visitât d’abord, voulant être, en grand secret, son élève, son disciple, comme le fut de Jésus l’humble Nicodème. « Je pourrai à peu de bruit faire de grands progrès à la vertu, sous votre direction, à la faveur de la sainte liberté que me procure mon poste. Le prétexte de notre prétendante me servira de couvert et de moyen (p. 327). »

Démarche étonnante et légère, qui montre dans l’abbesse une tête peu saine. N’ayant pas réussi à supplanter Girard auprès de la Cadière, elle entreprenait de supplanter la Cadière auprès de Girard. Elle s’avançait, sans préface et brusquement. Elle tranchait, en grande dame, agréable encore, et bien sûre d’être prise au mot, allant jusqu’à parler de la liberté qu’elle avait !

Elle était partie, dans cette fausse démarche, de l’idée juste que Girard ne se souciait plus guère de la Cadière. Mais elle aurait pu deviner qu’il avait à Toulon d’autres embarras. Il était inquiet d’une affaire où il ne s’agissait plus d’une petite fille, mais d’une dame mûre, aisée, bien posée, la plus sage de ses pénitentes, Mlle Gravier. Ses quarante ans ne la défendirent pas. Il ne voulut pas au bercail une brebis indépendante. Un matin, elle fut surprise, bien mortifiée, de se trouver enceinte, et se plaignit fort (juillet, p. 395).

Girard, préoccupé de cette nouvelle aventure, vit froidement les avances si inattendues de l’abbesse. Il craignit qu’elles ne fussent un piège des observantins. Il résolut d’être prudent, vit l’abbesse, déjà embarrassée de sa démarche imprudente, vit ensuite