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(plus pesant, plus exigeant aux gorges étouffées d’Ollioules), religieuses et novices allaient, venaient fort librement. Ce qu’on a vu à Loudun en 1630 existait à Ollioules, tout de même, en 1730. La masse des religieuses (douze à peu près sur les quinze que comptait la maison), un peu délaissées des moines qui préféraient les hautes dames, étaient de pauvres créatures ennuyées, déshéritées ; elles n’avaient de consolations que les causeries, les enfantillages, certaines intimités entre elles et avec les novices.

L’abbesse craignait que la Cadière ne vît trop bien tout cela. Elle fit difficulté pour la recevoir. Puis, brusquement, elle prit son parti en sens tout contraire. Dans une lettre charmante, plus flatteuse que ne pouvait l’attendre une petite fille d’une telle dame, elle exprima l’espoir qu’elle quitterait la direction de Girard. Ce n’était pas pour la transmettre à ses observantins qui en étaient peu capables. Elle avait l’idée piquante, hardie, de la prendre elle-même et de diriger la Cadière.

Elle était fort vaniteuse. Elle comptait s’approprier cette merveille, la conquérir aisément, se sentant plus agréable qu’un vieux directeur Jésuite. Elle eût exploité la jeune sainte au profit de sa maison.

Elle lui fit l’honneur insigne de la recevoir au seuil, sur la porte de la rue. Elle la baisa, s’en empara, la mena chez elle dans sa belle chambre d’abbesse et lui dit qu’elle la partagerait avec elle. Elle fut enchantée de sa modestie, de sa grâce maladive, d’une certaine étrangeté, mystérieuse,