Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/622

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ennemis, dans un volume où l’on veut (je l’établirai plus tard) atténuer les torts de Girard, fixer l’attention du lecteur sur tout ce qui peut être défavorable à la Cadière. Et cependant l’éditeur n’a pas pu se dispenser de donner ces dépositions accablantes pour celui qu’il favorise.

Inconséquence monstrueuse. Il effraya la pauvre fille, puis brusquement abusa indignement, barbarement de sa terreur[1].

L’amour n’est point du tout ici la circonstance atténuante. Loin de là. Il ne l’aimait plus. C’est ce qui fait le plus d’horreur. On a vu ses cruels breuvages, et l’on va voir son abandon. Il lui en voulait de valoir mieux que ces femmes avilies. Il lui en voulait de l’avoir tenté (si innocemment), compromis. Mais surtout il ne lui pardonnait pas de garder une âme. Il ne voulait que la dompter, mais accueillait avec espoir le mot qu’elle disait souvent : « Je le sens, je ne vivrai pas. » Libertinage scélérat ! Il donnait de honteux baisers à ce pauvre corps brisé qu’il eût voulu voir mourir !

Comment lui expliqua-t-il ces contradictions choquantes de caresses et de cruautés ? Les donna-t-il pour des épreuves de patience et d’obéissance ? ou bien passa-t-il hardiment au vrai fonds de Molinos : « Que c’est à force de péchés qu’on fait mourir le péché ? » Prit-elle cela au sérieux ? et ne comprit-elle pas que ces semblants de justice, d’expiation, de pénitence, n’étaient que libertinage ?

  1. On a mis ceci en grec, en le falsifiant deux fois, à la p. 6 et à la p. 389, afin de diminuer le crime de Girard. La version la plus exacte ici est celle de sa déposition devant le lieutenant criminel de Toulon, p. 12, etc.