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Girard savait que celle-ci, nullement habituée à la honte, très pudique (n’ayant rien subi qu’à son insu dans le sommeil) souffrirait extrêmement d’un châtiment indécent, en serait brisée, perdrait tout ce qu’elle avait de ressort. Elle devait être mortifiée plus encore peut-être qu’une autre, pâtir (s’il faut l’avouer) en sa vanité de femme. Elle avait tant souffert, tant jeûné ! Puis était venu l’avortement. Son corps, délicat de lui-même, semblait n’être plus qu’une ombre. D’autant plus certainement elle craignait de rien laisser voir de sa pauvre personne, maigrie, détruite, endolorie. Elle avait les jambes enflées, et telle petite infirmité qui ne pouvait que l’humilier extrêmement.

Nous n’avons pas le courage de raconter ce qui suivit. On peut le lire dans ses trois dépositions si naïves, si manifestement sincères, où, déposant sans serment, elle se fait un devoir de déclarer même les choses que son intérêt lui commandait de cacher, même celles dont on put abuser contre elle le plus cruellement.

La première déposition faite à l’improviste devant le juge ecclésiastique qu’on envoya pour la surprendre. Ce sont, on le sent partout, les mots sortis d’un jeune cœur qui parle comme devant Dieu.

La seconde devant le roi, je veux dire devant le magistrat qui le représentait, le lieutenant civil et criminel de Toulon.

La dernière enfin devant la grande chambre du Parlement d’Aix. (P. 5, 12, 384 du Procès, in-folio.)

Notez que toutes les trois, admirablement concordantes, sont imprimées à Aix sous les yeux de ses