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pouvait manquer d’être soutenu par les siens, par leur maison de Toulon. L’un, le vieux Sabatier, était prêt à croire tout ; il avait été jadis le confesseur de la Cadière, et la chose lui eût fait honneur. Un autre, le Père Grignet, était un béat imbécile, qui verrait tout ce qu’on voudrait. Si les carmes ou d’autres s’avisaient d’avoir des doutes, on les ferait avertir de si haut, qu’ils croiraient prudent de se taire. Même le jacobin Cadière, jusque-là ennemi et jaloux, trouverait son compte à revenir, à croire une chose qui ferait la famille si glorieuse et lui le frère d’une sainte.

« Mais, dira-t-on, la chose n’était-elle pas naturelle ? On a des exemples innombrables, bien constatés, de vraies stigmatisées[1]. »

Le contraire est probable. Quand elle s’aperçut de la chose, elle fut honteuse et désolée, craignant de déplaire à Girard par ce retour des petits maux d’enfance. Elle alla vite chez une voisine, une Mme Truc, une femme qui se mêlait de médecine, et lui acheta (comme pour un jeune frère) un onguent qui lui brûlait les plaies.

Pour faire ces plaies, comment le cruel s’y prit-il ? Enfonça-t-il les ongles ! usa-t-il d’un petit couteau, que toujours il portait sur lui ? Ou bien attira-t-il le sang la première fois, comme il le fit plus tard, par une forte succion ? Elle n’avait pas sa connaissance, mais bien sa sensibilité ; nul doute qu’à travers le sommeil, elle n’ait senti la douleur.

Elle eût cru faire un grand péché, si elle n’eût

  1. Voy. surtout A. Maury, Magie.