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fraude. Il lui glissa dans sa cassette un papier, où Dieu lui disait que, pour elle, effectivement il sauverait le vaisseau. Mais il se garda d’y laisser cette pièce ridicule ; en la lisant et relisant, elle aurait pu s’apercevoir qu’elle était fabriquée. L’ange qui apporta le papier, un jour après le remporta.

Avec la même indélicatesse, Girard, la voyant agitée et incapable de prier, lui permit légèrement de communier tant qu’elle voudrait, tous les jours, dans différentes églises. Elle n’en fut que plus mal. Déjà pleine du démon, elle logeait ensemble les deux ennemis. À force égale, ils se battaient en elle. Elle croyait éclater et crever. Elle tombait, s’évanouissait, et restait ainsi plusieurs heures. En décembre, elle ne sortit plus guère, même de son lit.

Girard eut un trop bon prétexte pour la voir. Il fut prudent, s’y faisant toujours conduire par le petit frère, du moins jusqu’à la porte. La chambre de la malade était au haut de la maison. La mère restait à la boutique discrètement. Il était seul, tant qu’il voulait, et, s’il voulait, tournait la clef. Elle était alors très malade. Il la traitait comme un enfant ; il l’avançait un peu sur le devant du lit, lui tenait la tête, la baisait paternellement. Tout cela reçu avec respect, tendresse, reconnaissance.

Très pure, elle était très sensible. À tel contact léger qu’une autre n’eût pas remarqué, elle perdait connaissance ; un frôlement près du sein suffisait. Girard en fit l’expérience, et cela lui donna de mauvaises pensées. Il la jetait à volonté dans ce sommeil, et elle ne songeait nullement à s’en défendre, ayant toute confiance en lui, inquiète seulement, un