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moyen exécrable pour se l’attacher sans retour. Il exigea d’elle un testament où elle promettait de mourir quand il mourrait, et d’être où il serait. Grande terreur pour ce pauvre esprit. Devait-il, avec lui, l’entraîner dans sa fosse ? Devait-il la mettre en enfer ? Elle se crut à jamais perdue. Devenue sa propriété, son âme damnée, il en usait et abusait pour toutes choses. Il la prostituait dans un sabbat à quatre, avec son vicaire Boullé et une autre femme. Il se servait d’elle pour gagner les autres religieuses par un charme magique. Une hostie, trempée du sang de Madeleine, enterrée au jardin, devait leur troubler les sens et l’esprit.

C’était justement l’année où Urbain Grandier fut brûlé. On ne parlait par toute la France que des diables de Loudun. Le pénitencier d’Évreux, qui avait été un des acteurs de cette scène, en rapportait en Normandie les terribles récits. Madeleine se sentit possédée, battue des diables ; un chat aux yeux de feu la poursuivait d’amour. Peu à peu, d’autres religieuses, par un mouvement contagieux, éprouvèrent des agitations bizarres, surnaturelles. Madeleine avait demandé secours à un capucin, puis à l’évêque d’Évreux. La supérieure, qui ne put l’ignorer, ne le regrettait pas, voyant la gloire et la richesse qu’une semblable affaire avait données au couvent de Loudun. Mais, pendant six années, l’évêque fit la sourde oreille, craignant sans doute Richelieu, qui essayait alors une réforme des cloîtres.

Il voulait finir ces scandales. Ce ne fut guère qu’au moment de sa mort et de la mort de Louis XIII, dans la débâcle qui suivit, sous la reine et sous