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siècle, souvent (comme à Soissons) devant la porte des églises, la terreur et la joie du peuple à voir triompher le bon Dieu, l’aveu tiré du Diable « que Dieu est dans le Sacrement », l’humiliation des huguenots convaincus par le démon même.

Dans cette comédie tragique, l’exorciste représentait Dieu, ou tout au moins c’était l’archange terrassant le dragon. Il descendait des échafauds, épuisé, ruisselant de sueur, mais triomphant, porté dans les bras de la foule, béni des bonnes femmes qui en pleuraient de joie.

Voilà pourquoi il fallait toujours un peu de sorcellerie dans les procès. On ne s’intéressait qu’au Diable. On ne pouvait pas toujours le voir sortir du corps en crapaud noir (comme à Bordeaux en 1610). Mais on était du moins dédommagé par une grande, une superbe mise en scène. L’âpre désert de Madeleine, l’horreur de la Sainte-Baume, dans l’affaire de Provence, firent une bonne partie du succès. Loudun eut pour lui le tapage et la bacchanale furieuse d’une grande armée d’exorcistes divisés en plusieurs églises. Enfin Louviers, que nous verrons, pour raviver un peu ce genre usé, imagina des scènes de nuit où les diables en religieuses, à la lueur des torches, creusaient, tiraient des fosses les charmes qu’on y avait cachés.


L’affaire de Loudun commença par la supérieure et par une sœur converse à elle. Elles eurent des convulsions, jargonnèrent diaboliquement. D’autres nonnes les imitèrent, une surtout, hardie, reprit le