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miraculeux, ce ne fut pas la moindre merveille de voir un démon si furieux devenir tout à coup flatteur pour le Parlement, politique et diplomate. Louise charma les gens du roi par un éloge du feu roi. Henri IV (qui l’aurait cru ?) fut canonisé par le Diable. Un matin, sans à-propos, il éclata en éloges « de ce pieux et saint roi qui venait de monter au ciel ».

Un tel accord des deux anciens ennemis, le Parlement et l’Inquisition, celle-ci désormais sûre du bras séculier, des soldats et du bourreau, une commission parlementaire envoyée à la Sainte-Baume pour examiner les possédées, écouter leurs dépositions, leurs accusations, et dresser des listes, c’était chose vraiment effrayante. Louise, sans ménagement, désigna les Capucins, défenseurs de Gauffridi, et annonça « qu’ils seraient punis temporellement » dans leur corps et dans leur chair.

Les pauvres Pères furent brisés. Leur diable ne souffla plus mot. Ils allèrent trouver l’évêque et lui dirent qu’en effet on ne pouvait guère refuser de représenter Gauffridi à la Sainte-Baume, et de faire acte d’obéissance ; mais qu’après cela l’évêque et le chapitre le réclameraient, le replaceraient sous la protection de la justice épiscopale.

On avait calculé aussi sans doute que la vue de cet homme aimé allait fort troubler les deux filles, que la terrible Louise elle-même serait ébranlée des réclamations de son cœur.

Ce cœur, en effet, s’éveilla à l’approche du coupable ; la furieuse semble avoir eu un moment d’attendrissement. Je ne connais rien de plus brûlant que sa prière pour que Dieu sauve celui qu’elle a