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qui venait là comme directeur de Madeleine, eut une bien autre action. Elles sentirent une puissance, et, sans doute par les échappées de la jeune folle amoureuse, elles surent que ce n’était rien moins qu’une puissance diabolique. Toutes sont saisies de peur, et plus d’une aussi d’amour. Les imaginations s’exaltent ; les têtes tournent. En voilà cinq ou six qui pleurent, qui crient et qui hurlent, qui se sentent saisies du démon.

Si les Ursulines eussent été cloîtrées, murées, Gauffridi, leur seul directeur, eût pu les mettre d’accord de manière ou d’autre. Il aurait pu arriver, comme au cloître du Quesnoy en 1491, que le Diable, qui prend volontiers la figure de celui qu’on aime, se fût constitué, sous la figure de Gauffridi, amant commun des religieuses. Ou bien, comme dans ces cloîtres espagnols dont parle Llorente, il leur eût persuadé que le prêtre sacre de prêtrise celles à qui il fait l’amour, et que le péché avec lui est une sanctification. Opinion répandue en France, et à Paris même, où ces maîtresses de prêtres étaient dites « les consacrées. » (Lestoile, édit. Michaud, p. 561.)

Gauffridi, maître de toutes, s’en tint-il à Madeleine ? Ne passa-t-il pas de l’amour au libertinage ? On ne sait. L’arrêt indique une religieuse qu’on ne montra pas au procès, mais qui reparaît à la fin, comme s’étant donnée au Diable et à lui.

Les Ursulines étaient une maison toute à jour, où chacun venait, voyait. Elles étaient sous la garde de leurs Doctrinaires, honnêtes, et d’ailleurs jaloux. Le fondateur même était là, indigné et désespéré. Quel malheur pour l’ordre naissant, qui, à ce moment