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La tactique fut la même pour atténuer le scandale, désorienter le public, l’occuper de la forme en cachant le fond. Au procès d’un prêtre sorcier, on mit en saillie le sorcier, et l’on escamota le prêtre, de manière à tout rejeter sur les arts magiques et faire oublier la fascination naturelle d’un homme maître d’un troupeau de femmes qui lui sont abandonnées.

Il n’y avait aucun moyen d’étouffer la première affaire. Elle avait éclaté en pleine Provence, dans ce pays de lumière où le soleil perce tout à jour. Le théâtre principal fut non seulement Aix et Marseille, mais le lieu célèbre de la Sainte-Baume, pèlerinage fréquenté où une foule de curieux vinrent de toute la France assister au duel à mort de deux religieuses possédées et de leurs démons. Les Dominicains, qui entamèrent la chose comme inquisiteurs, s’y compromirent fort par l’éclat qu’ils lui donnèrent, par leur partialité pour telle de ces religieuses. Quelque soin que le Parlement mît ensuite à brusquer la conclusion, ces moines eurent grand besoin de s’expliquer et de l’excuser. De là le livre important du moine Michaëlis, mêle de vérités, de fables, où il érige Gauffridi, le prêtre qu’il fit brûler, en Prince des magiciens, non seulement de France, mais d’Espagne, d’Allemagne, d’Angleterre et de Turquie, de toute la terre habitée.

Gauffridi semble avoir été un homme agréable et de mérite. Né aux montagnes de Provence, il avait beaucoup voyagé dans les Pays-Bas et dans l’Orient. Il avait la meilleure réputation à Marseille, où il était prêtre à l’église des Acoules. Son évêque