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mais non la faculté de voir. Sa femme, autrement enchantée de breuvages érotiques, tristement absente d’elle-même, apparaissait dans un déplorable état de nature, se laissant patiemment caresser sous les yeux indignés de celui qui n’en pouvait mais.

Son désespoir visible, ses efforts inutiles pour délier sa langue, dénouer ses membres immobiles, ses muettes fureurs, ses roulements d’yeux, donnaient aux regardants un cruel plaisir, analogue, du reste, à celui de telles comédies de Molière. Celle-ci était poignante de réalité, et elle pouvait être poussée aux dernières hontes. Hontes stériles, il est vrai, comme le Sabbat l’était toujours, et le lendemain bien obscurcies dans le souvenir des deux victimes dégrisées. Mais ceux qui avaient vu, agi, oubliaient-ils ?

Ces actes punissables sentent déjà l’aristocratie. Ils ne rappellent en rien l’antique fraternité des serfs, le primitif Sabbat, impie, souillé sans doute, mais libre et sans surprise, où tout était voulu et consenti.

Visiblement Satan, de tout temps corrompu, va se gâtant encore. Il devient un Satan poli, rusé, douceâtre, d’autant plus perfide et immonde. Quelle chose nouvelle, étrange, au Sabbat, que son accord avec les prêtres ? Qu’est-ce que ce curé qui amène sa Bénédicte, sa sacristine, qui tripote des choses d’église, dit le matin la Messe blanche, la nuit la Messe noire ? Satan, dit Lancre, lui recommande de faire l’amour à ses filles spirituelles, de corrompre ses pénitentes. Innocent magistrat ! Il a l’air d’ignorer que depuis un siècle déjà Satan a compris, ex-