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cruche ; il officie les pieds en l’air, la tête en bas.

Il veut que tout se passe très honorablement, et fait des frais de mise en scène. Outre les flammes ordinaires, jaunes, rouges, bleues, qui amusent la vue, montrent, cachent de fuyantes ombres, il délecte l’oreille d’une étrange musique, « surtout de certaines clochettes qui chatouillent » les nerfs à la manière des vibrations pénétrantes de l’harmonica. Pour comble de magnificence, Satan fait apporter de la vaisselle d’argent. Il n’est pas jusqu’à ses crapauds qui n’affectent des prétentions ; ils deviennent élégants, et, comme de petits seigneurs, vont habillés de velours vert.

L’aspect, en général, est d’un grand champ de foire, d’un vaste bal masqué, à déguisements fort transparents. Satan, qui sait son monde, ouvre le bal avec l’évêque du Sabbat, ou le roi et la reine. Dignités constituées pour flatter les gros personnages, riches ou nobles, qui honorent l’assemblée de leur présence.

Ce n’est plus là la sombre fête de révolte, sinistre orgie des serfs, des Jacques, communiant la nuit dans l’amour, et le jour dans la mort. La violente ronde du sabbat n’est plus l’unique danse. On y joint les danses Moresques, vives ou languissantes, amoureuses, obscènes, où des filles, dressées à cela, comme la Murgui, la Lisalda, simulaient, paradaient les choses les plus provocantes. Ces danses étaient, dit-on, l’irrésistible attrait qui, chez les Basques, précipitait au sabbat tout le monde féminin, femmes, filles, veuves (celles-ci en grand nombre).

Sans ces amusements et le repas, on s’expliquerait