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Le sorcier Trois-Échelles, jugé sous Charles IX, les compte par cent mille et dit que la France est sorcière.

Agrippa et d’autres soutiennent que toute science est dans la Magie. Magie blanche, il est vrai. Mais la terreur des sots, la fureur fanatique, en font fort peu de différence. Contre Wyer, contre les vraies savants, la lumière et la tolérance, une violente réaction de ténèbres se fait d’où on l’eût attendue le moins. Nos magistrats, qui, depuis près d’un siècle, s’étaient montrés éclairés, équitables, maintenant lancés en grand nombre dans le Catholicon d’Espagne et la furie ligueuse, se montrent plus prêtres que les prêtres. En repoussant l’inquisition de France, ils l’égalent, voudraient l’effacer. À ce point qu’en une fois le seul Parlement de Toulouse met au bûcher quatre cents corps humains. Qu’on juge de l’horreur, de la noire fumée de tant de chair, de graisse, qui, sous les cris perçants, les hurlements, fond horriblement, bouillonne ! Exécrable et nauséabond spectacle qu’on n’avait pas vu depuis les grillades et les rôtissades albigeoises !

Mais cela, c’est trop peu encore pour Bodin, le légiste d’Angers, l’adversaire violent de Wyer. Il commence par dire que les sorciers sont si nombreux, qu’ils pourraient en Europe refaire une armée de Xerxès, de dix-huit cent mille hommes. Puis il exprime (à la Caligula) le vœu que ces deux millions d’hommes soient réunis pour qu’il puisse, lui, Bodin, les juger, les brûler d’un seul coup.


La concurrence s’en mêle. Les gens de loi com-