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dévouements, de crimes !… que devient-elle ? La voilà seule sur la lande déserte !

Elle n’est pas, comme on dit, l’horreur de tous. Beaucoup la béniront[1]. Plus d’un l’a trouvée belle, plus d’un vendrait sa part du Paradis pour oser approcher… Mais, autour, il est un abîme, on l’admire trop, et on en a tant peur ! de cette toute-puissante Médée, de ses beaux yeux profonds, des voluptueuses couleuvres de cheveux noirs dont elle est inondée.

Seule à jamais. À jamais, sans amour ! Qui lui reste ? Rien que l’Esprit qui se déroba tout à l’heure.

« Eh bien, mon bon Satan, partons… Car j’ai bien hâte d’être là-bas. L’enfer vaut mieux. Adieu le monde ! »

Celle qui la première fit, joua le terrible drame, dut survivre très peu. Satan obéissant avait, tout près, sellé un gigantesque cheval noir, qui, des yeux, des naseaux, lançait le feu. — Elle y monta d’un bond…

On les suivit des yeux… Les bonnes gens épouvantés disaient : « Oh ! qu’est-ce qu’elle va donc devenir ? » — En partant, elle rit, du plus terrible éclat de rire, — et disparut comme une flèche. — On voudrait bien savoir, mais on ne saura pas ce que la pauvre est devenue[2].

  1. Lancre parle de sorcières aimées et adorées.
  2. Voir la fin de la sorcière de Berkeley dans Guillaume de Malmesbury.