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dans les fêtes de nuit. Les grandes communions de révolte entre serfs (buvant le sang les uns des autres, ou mangeant la terre pour hostie[1].) purent se célébrer au sabbat. La Marseillaise de ce temps, chantée la nuit plus que le jour, est peut-être un chant sabbatique :

Nous sommes hommes comme ils sont !
Tout aussi grand cœur nous avons !
Tout autant souffrir nous pouvons !

Mais la pierre du tombeau retombe en 1200. Le pape assis dessus, le roi assis dessus, d’une pesanteur énorme, ont scellé l’homme. A-t-il alors sa vie nocturne ? D’autant plus. Les vieilles danses païennes durent être alors plus furieuses. Nos nègres des Antilles, après un jour horrible de chaleur, de fatigue, allaient bien danser à six lieues de là. Ainsi le serf. Mais, aux danses, durent se mêler des gaietés de vengeance, des farces satyriques, des moqueries et des caricatures du seigneur et du prêtre. Toute une littérature de nuit, qui ne sut pas un mot de celle du jour, peu même des fabliaux bourgeois.


Voilà le sens des sabbats avant 1300. Pour qu’ils prissent la forme étonnante d’une guerre déclarée au Dieu de ce temps-là, il faut bien plus encore, il faut deux choses : non seulement qu’on descende au fond du désespoir, mais que tout respect soit perdu.

Cela n’arrive qu’au quatorzième siècle, sous la papauté d’Avignon et pendant le Grand Schisme,

  1. À la bataille de Courtrai. Voy. aussi Grimm et mes Origines.