Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haute dame, lui faire oublier les distances, regarder son petit page.


Le mariage de ces temps n’a que deux types et deux formes, toutes deux extrêmes, excessives.

L’orgueilleuse héritière des fiefs, qui apporte un trône ou un grand domaine, une Éléonore de Guyenne, aura, sous les yeux du mari, sa cour d’amants, se contraindra fort peu. Laissons les romans, les poèmes. Regardons la réalité dans son terrible progrès, jusqu’aux effrénées fureurs des filles de Philippe-le-Bel, de la cruelle Isabelle, qui, par la main de ses amants, empala Édouard II. L’insolence de la femme féodale éclate diaboliquement dans le triomphal bonnet aux deux cornes et autres modes effrontées.

Mais, dans ce siècle où les classes commencent à se mêler un peu, la femme de race inférieure, épousée par un baron, doit craindre les plus dures épreuves. C’est ce que dit l’histoire, vraie et réelle, de Grisélidis, l’humble, la douce, la patiente. Le conte, je crois, très sérieux, historique, de Barbe-bleue, en est la forme populaire. L’épouse, qu’il tue et remplace si souvent, ne peut être que sa vassale. Il compterait bien autrement avec la fille ou la sœur d’un baron qui pût la venger. Si cette conjecture spécieuse ne me trompe pas, on doit croire que ce conte est du quatorzième siècle et non plus des siècles précédents, où le seigneur n’eût pas daigné prendre femme au-dessous de lui.

Une chose fort remarquable dans le conte touchant de Grisélidis, c’est qu’à travers tant d’épreuves elle