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que j’aie vue ; d’un jaune pâle de malade, avec des traits rouge et noir, comme on dit les flammes d’enfer. L’horrible, c’est que toute la tige était velue comme un homme, de longs poils noirs et collants. Elle l’a rudement arrachée, en grognant, et tout à coup je ne l’ai plus vue. Elle n’a pu courir si vite ; elle se sera envolée… Quelle terreur que cette femme ! quel danger pour tout le pays ! »

Il est certain que la plante effraye. C’est la jusquiame, cruel et dangereux poison, mais puissant émollient, doux cataplasme sédatif qui résout, détend, endort la douleur, guérit souvent.

Un autre de ces poisons, la belladone, ainsi nommée sans doute par la reconnaissance, était puissante pour calmer les convulsions qui parfois surviennent dans l’enfantement, qui ajoutent le danger au danger, la terreur à la terreur de ce suprême moment. Mais quoi ! une main maternelle insinuait ce doux poison[1], endormait la mère et charmait la porte sacrée ; l’enfant, tout comme aujourd’hui, où l’on emploie le chloroforme, seul opérait sa liberté, se précipitait dans la vie.


La belladone guérit de la danse en faisant danser. Audacieuse homœopathie, qui d’abord dut effrayer ; c’était la médecine à rebours, contraire généralement à celle que les chrétiens connaissaient, estimaient seule, d’après les Arabes et les juifs.

  1. Mme La Chapelle et M. Chaumier ont fort utilement renouvelé ces pratiques de la vieille médecine populaire. (Pouchet, Solanées, p. 64)