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les pensées. Est-ce sans l’aide du démon que le pape qui n’est plus à Rome, dans son Avignon, Jean XXII, fils d’un cordonnier de Cahors, a pu amasser plus d’or que l’empereur et tous les rois ? Tel le pape, et tel l’évêque. Guichard, l’évêque de Troyes, n’a-t-il pas obtenu du Diable la mort des filles du roi ?… Nous ne demandons nulle mort, nous, mais de douces choses : vie, santé, beauté, plaisir… Choses de Dieu, que Dieu nous refuse… Que faire ? Si nous les avions de la grâce du Prince du monde ?


Le grand et puissant docteur de la Renaissance, Paracelse, en brûlant les livres savants de toute l’ancienne médecine, les latins, les juifs, les arabes, déclare n’avoir rien appris que de la médecine populaire, des bonnes femmes[1], des bergers et des bourreaux ; ceux-ci étaient souvent d’habiles chirurgiens (rebouteurs d’os cassés, démis), et de bons vétérinaires.

Je ne doute pas que son livre admirable et plein de génie sur les Maladies des femmes, le premier qu’on ait écrit sur ce grand sujet, si profond, si attendrissant, ne soit sorti spécialement de l’expérience des femmes même, de celles à qui les autres demandaient secours : j’entends par là les sorcières qui, partout, étaient sages-femmes. Jamais, dans ces temps, la femme n’eût admis un médecin mâle, ne se fût confiée à lui, ne lui eût dit ses secrets. Les sorcières observaient seules, et furent, pour la femme surtout, le seul et unique médecin.

  1. C’est le nom poli, craintif, qu’on donnait aux sorcières.