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ton sang se décompose, descends dans un "in-pace", ou fais ta hutte au désert. Tu vivras la clochette en main pour que l’on fuie devant toi. « Nul être humain ne doit te voir : tu n’auras nulle consolation. Si tu approches, la mort ! »


La lèpre est le dernier degré et l’apogée du fléau ; mais mille autres maux cruels, moins hideux, sévirent partout. Les plus pures et les plus belles furent frappées de tristes fleurs qu’on regardait comme le péché visible, ou le châtiment de Dieu. On fit alors ce que l’amour de la vie n’eût pas fait faire ; on transgressa les défenses ; on déserta la vieille médecine sacrée et l’inutile bénitier. On alla à la sorcière. D’habitude, et de crainte aussi, on fréquentait toujours l’Église ; mais la vraie Église dès lors fut chez elle, sur la lande, dans la forêt, au désert. C’est là qu’on portait ses vœux.

Vœu de guérir, vœu de jouir. Aux premiers bouillonnements qui ensauvageaient le sang, en grand secret, aux heures douteuses, on allait à la sibylle : « Que ferai-je ? et que sens-je en moi ?… Je brûle, donnez-moi des calmants… Je brûle, donnez-moi ce qui fait mon intolérable désir. »

Démarche hardie et coupable qu’on se reproche le soir. Il faut bien qu’elle soit pressante, cette fatalité nouvelle, qu’il soit bien cuisant ce feu, que tous les saints soient impuissants. Mais, quoi ! le procès du Temple, le procès de Boniface, ont dévoilé la Sodome qui se cachait sous l’autel. Un pape sorcier, ami du diable et emporté par le diable, cela change toutes