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Heureux allégement aux pauvres femmes surtout, que ce dogme terrible du supplice de leurs morts aimés tenait noyées de larmes, et sans consolation. Toute leur vie n’était qu’un soupir.


La sibylle rêvait aux mots du maître, quand un tout petit pas se fait entendre. Le jour paraît à peine (après Noël, vers le 1er  janvier). Sur l’herbe craquante et givrée, une blonde petite femme, tremblante, approche, et, arrivée, elle défaille, ne peut respirer. Sa robe noire dit assez qu’elle est veuve. Au perçant regard de Médée, immobile, et sans voix, elle dit tout pourtant ; nul mystère en sa craintive personne. L’autre d’une voix forte : « Tu n’as que faire de dire, petite muette. Car tu n’en viendrais pas à bout. Je le dirai pour toi… Eh bien, tu meurs d’amour ! » Remise un peu, joignant les mains et presque à ses genoux, elle avoue, se confesse. Elle souffrait, pleurait, priait, et elle eût souffert en silence. Mais ces fêtes d’hiver, ces réunions de familles, le bonheur peu caché des femmes qui, sans pitié, étalent un légitime amour, lui ont remis au cœur le trait brûlant… Hélas ! que fera-t-elle ?… S’il pouvait revenir et la consoler un moment : « Au prix de la vie même… que je meure ! et le voie encore ! »

« — Retourne à ta maison ; fermes en bien la porte. Ferme encore le volet au voisin curieux. Tu quitteras le deuil et mettras tes habits de noces, son couvert à la table, mais il ne viendra pas. — Tu diras la chanson qu’il fit pour toi, et qu’il a tant chantée,