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d’Osiris, et que, de Mercure, j’ai hérité le caducée. En vain on crut bâtir un mur infranchissable qui eût fermé la voie d’un monde à l’autre ; j’ai des ailes aux talons, j’ai volé par-dessus. L’Esprit calomnié, ce monstre impitoyable, par une charitable révolte, a secouru ceux qui pleuraient, consolé les amants, les mères. Il a eu pitié d’elles contre le nouveau dieu. »

Le Moyen-âge, avec ses scribes, tous ecclésiastiques, n’a garde d’avouer les changements muets, profonds, de l’esprit populaire. Il est évident que la compassion apparaît désormais du côté de Satan. La Vierge même, idéal de la Grâce, ne répond rien à ce besoin du cœur, l’Église rien. L’évocation des morts reste expressément défendue. Pendant que tous les livres continuent à plaisir ou le démon pourceau des premiers temps, ou le démon griffu, bourreau du second âge, Satan a changé de figure pour ceux qui n’écrivent pas. Il tient du vieux Pluton, mais sa majesté pâle, nullement inexorable, accordant aux morts des retours, aux vivants de revoir les morts, de plus en plus revient à son père ou grand-père, Osiris, le pasteur des âmes.

Par ce point seul, bien d’autres sont changés. On confesse de bouche l’enfer officiel et les chaudières bouillantes. Au fond, y croit-on bien ? concilierait-on aisément ces complaisances de l’enfer pour les cœurs affligés avec les traditions horribles d’un enfer tortureur ? Une idée naturalise l’autre, sans l’effacer entièrement, et il s’en forme une mixte, vague, qui de plus en plus se rapprochera de l’enfer virgilien. Grand adoucissement pour le cœur !