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comme un singe, accroupie. Elle roulait des pensées nullement humaines, quand elle entend ou croit entendre un miaulement de chouette, puis un aigre éclat de rire. Elle a peur, mais c’est peut-être le gai moqueur qui contrefait toutes les voix ; ce sont ses tours ordinaires.

L’éclat de rire recommence. D’où vient-il ? Elle ne voit rien. On dirait qu’il sort d’un vieux chêne.

Mais elle entend distinctement : « Ah ! te voilà donc enfin… Tu n’es pas venue de bonne grâce. Et tu ne serais pas venue si tu n’avais trouvé le fond de ta nécessité dernière… Il t’a fallu, l’orgueilleuse, faire la course sous le fouet, crier et demander grâce, moquée, perdue, sans asile, rejetée de ton mari. Où serais-tu si, le soir, je n’avais eu la charité de te faire voir l’in-pace qu’on te préparait dans la tour ?… C’est tard, bien tard, que tu me viens, et quand on t’a nommée la vieille… Jeune, tu ne m’as pas bien traité, moi, ton petit lutin d’alors, si empressé à te servir… À ton tour (si je veux de toi) de me servir et de baiser mes pieds.

« Tu fus mienne dès ta naissance par ta malice contenue, par ton charme diabolique. J’étais ton amant, ton mari. Le tien t’a fermé sa porte. Moi, je ne ferme pas la mienne. Je te reçois dans mes domaines, mes libres prairies, mes forêts… Qu’y gagné-je ? Est-ce que dès longtemps je ne t’ai pas à mon heure ? Ne t’ai-je pas envahie, possédée, emplie de ma flamme ? J’ai changé, remplacé ton sang. Il n’est veine de ton corps où je ne circule pas. Tu ne peux pas savoir toi-même à quel point tu es mon épouse. Mais nos noces n’ont pas eu encore toutes