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VI

LE PACTE


Il ne manquait que la victime. On savait que le présent le plus doux qu’on pût lui faire, c’était de la lui amener. Elle eût tendrement reconnu l’empressement de celui qui lui eût fait ce don d’amour, livré ce triste corps sanglant.

Mais la proie sentit le chasseur. Quelques minutes plus tard, elle aurait été enlevée, à jamais scellée sous la pierre. Elle se couvrit d’un haillon qui se trouvait dans l’étable, prit des ailes, en quelque sorte, et, avant minuit, se trouva à quelques lieues, loin des routes, sur une lande abandonnée qui n’était que chardons et ronces. C’était à la lisière d’un bois, où, par une lune douteuse, elle put ramasser quelques glands, qu’elle engloutit, comme une bête. Des siècles avaient passé depuis la veille ; elle était métamorphosée. La belle, la reine du village, n’était plus ; son âme, changée, changeait ses attitudes même. Elle était comme un sanglier sur ces glands, ou