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t’en jure et ton grand serment, et le mien plus grand : Tolède. »


Un an s’était écoulé. Elle s’était arrondie. Elle se faisait toute d’or. On était étonné de voir sa fascination. Tous admiraient, obéissaient. Par un miracle du Diable, le juif, devenu généreux, au moindre signe prêtait. Elle seule soutenait le château et de son crédit à la ville, et de la terreur du village, de ses rudes extorsions. La victorieuse robe verte allait, venait, de plus en plus neuve et belle. Elle-même prenait une colossale beauté de triomphe et d’insolence. Une chose naturelle effrayait. Chacun disait : « À son âge, elle grandit ! »

Cependant, voici la nouvelle : le seigneur revient. La Dame, qui dès longtemps n’osait descendre pour ne pas rencontrer la face de celle d’en bas, a monté son cheval blanc. Elle va à la rencontre, entourée de tout son monde, arrête et salue son époux.

Avant toute chose, elle dit : « Que je vous ai donc attendu ! Comment laissez-vous la fidèle épouse si longtemps veuve et languissante ?… Eh bien, pourtant, je ne peux pas vous donner place ce soir, si vous ne m’octroyez un don. — Demandez, demandez, ô belle ! dit le chevalier en riant. Mais faites vite… Car j’ai hâte de vous embrasser, ma Dame… Que je vous trouve embellie ! »

Elle lui parla à l’oreille, et l’on ne sait ce qu’elle dit. Avant de monter au château, le bon seigneur mit pied à terre devant l’église du village, entra. Sous le porche, en tête des notables, il voit une dame qu’il